Quand je pense à ma mère, je pense aux néant. Non, encore mieux, j’imagine les enfers, pas selon les traits et adjectifs énonçaient par une certaine mythologie grecque ma préférée ou bien chrétienne, la plus populaire dans notre culture européenne, mais selon l’enfer imaginé par l’écrivain et poète Dante Alighieri dans son œuvre la divine comédie que j’ai découvert il y a très peu de temps lors d’une session de jeux-vidéos au nom de Dante’s Inferno. L’histoire du guerrier Dante qui parcoure les cercles de l’enfer afin de retrouver son aimée.
Une vision de ce monde du dessous tout à fait intéressante et joyeuse tu imagines bien dans laquelle l’Enfer est précisément présenté comme un lieu divisé en neuf zones concentriques et superposées représentant chacune un thème inspiré en autre des péchés capitaux : Les limbes, la luxure, la gourmandise, l’avarice, la colère, l’hérésie, la violence, la tromperie et pour finir la trahison. Ces zones tout bonnement horribles et cauchemardesques sont peuplées par les pires âmes de notre histoire comme Néron ou encore Cléopâtre (à cause de son petit péché mignon pour la luxure évidement).
Bref tout cela m’amène à parler enfin de ma mère en pensant qu’elle serait carrément la bienvenue dans l’un de ces cercles, à l’aise je dirais. J’ajouterai qu’elle ferait un bon boss de fin de niveaux dans Dante’s Inferno.
J’ignore si un jour il y a eu un semblant d’amour entre ma mère et moi, en tout cas si cela a existé, je devais être bien trop petit pour m’en souvenir. C’est même assez désespérant certains soirs de continuer à creuser mes souvenirs afin de trouver des bouts de mémoires cristallisés dans mon petit cerveau étriqué dans lequel figurerait des instants de bonheur en sa compagnie. Par contre, c’est assez étonnant de constater la facilité avec laquelle ma mère a été capable d’anéantir mon enfance et celle de ma frangine au passage, sans oublier le sabotage du mariage avec mon père. Elle a effectué un triple combos de forte qualité.
Le plus ancien souvenir que je me remémore d’elle, c’était lors d’une nuit de mes cinq ou six ans où avait éclaté une bagarre entre elle et mon père à la suite d’une dispute. Tous les deux nues dans le couloir de l’étage et ma sœur obligée de mettre son corps en barrage afin que ma mère évite de pousser son mari dans les escaliers. Oui ça remonte à une époque lointaine car j’ai rarement connu mes parents faire chambre commune, mon père préférant par la suite de mon enfance, dormir sur le canapé du salon en finissant par enfin divorcer. Ce qui pouvait provoquer des appels nocturnes de ma mère, insistant afin que mon père vienne la rejoindre dans son lit en vain. Soyons clairs, je suis persuadé que mon père n’a jamais levé la main sur ma mère ou quelconques femmes, le pauvre n’a même jamais été capable de lever la main sur ses enfants,malgré que j’en aurais mérité une ou deux de sa part. De plus il n’a jamais été capable de mettre ma mère à la rue.
Ce sont des épisodes trop courant de ce type qui m’avaient tétanisé me poussant tous les soirs à rejoindre le petit lit de ma frangine afin de rechercher un peu de sécurité. Une grande sœur que j’ai toujours considéré comme mère à cause de notre grand écart d’âge, mais qui avait la fâcheuse habitude de lire des livres de Alfred Hitchcock et Stephen King, ce qui me faisait flipper au-delà de leurs contenus car même les couvertures étaient (trop) parlantes. C’est aussi de cette manière que je me suis retrouvé à lire mon premier Stephen King (pour imiter ma sœur), le livre Ça, l’œuvre la plus terrifiante du maître de l’épouvante comprenant la créature le plus divinement effroyable de l’histoire de l’imaginaire, cette bestiole bouffeuse d’enfants et hibernant durant des vingtaines d’années mériterait un article…
En toute sincérité, l’unique chose que je retiens de ma mère, c’est le nombre de baffes qu’elle m’a filé. Jamais un coup sous la ceinture, toujours au-dessus du torse, comme un vrai boxeur visant le K.O dès le premier round, qu’importe la raison, sa main atterrissait de toute manière toujours sur ma tronche. A la limite, je pouvais m’estimer heureux lorsqu’elle avait les mains vides car ce n’était pas toujours le cas.
Tu sais, quand tu allais dans certaines petites boutiques obscures dans un coin de ton quartier et que ta maman (ou ton papa) te montrait du doigt un martinet en te menaçant ou en rigolant, de l’acheter si tu faisais des bêtises… Et bien figures-toi que ce truc moyenâgeux, je ne faisais pas que le craindre en rayon, j’aurais préféré, car c’est souvent dans la gueule que je le prenais ! Certainement qu’aujourd’hui le martinet est devenu un accessoire de désirs grâce à des bouquins merdiques comme 50 nuances de Grey, lançant ainsi la mode des jeux sadomasochistes mignons qui font mouiller les culottes et slips à dix kilomètres à la ronde, mais pour part, les seules parties de mon corps qui mouillaient, c’était mes yeux. Il suffisait d’apercevoir ma mère grimpait sur une chaise pour le prendre au-dessus de l’armoire pour que je décampe en chialant. Même aujourd’hui je me souviens encore de la sensation de sentir les lanières en cuir frapper mon petit visage sous l’impulsion de ma folle de mère. Rien d’érotique.
C’est même assez drôle de savoir que pour l’emmerder, j’avais trouvé la planque idéale où j’étais quasiment intouchable : Sous une armoire de cuisine où nicher aussi le clebs de la maison. Tel un enfant juive durant la seconde guerre mondiale, j’étais pris par un soudain sentiment de survie lorsque je voyais ma maman devenir furie. Bon le truc moins drôle c’est qu’une adulte est plus intelligente qu’un gamin donc elle aussi avait une tactique pour contrecarrer la mienne : celle de remplacer le martinet par l’arme ultime de la ménagère: Le balai et rien à voir avec le nimbus 2000 de Harry Potter. De plus, lorsque le balai était de sortie, le chien aussi flippé sa race et venait se planquer sous cette armoire car lui-aussi s’en prenait des coups de balais ! C’était tout à fait ironique de se retrouver tous les deux, compagnon d’infortune dans notre planque, telle des poilus dans notre tranchée de la guerre 14-18 subissant les assauts ennemis. Je suis fort tout de même pour réussir à caser les deux guerres mondiales en un seul chapitre sans aucun rapport.
Avoues que ce n’est pas anodin une sorcière armée d’un balai. En parlant de Harry Potter, j’ignore si elle pensait que j’étais une sorte de sorcière, mais elle s’est éclatée un bon nombre de fois à me mettre la tête sous l’eau ou à me la nettoyer à coups de jet d’eau. Elle voulait peut-être se persuader que je n’avais pas hérité de ses pouvoirs en me testant : Si je me noie je suis un humain, et si je m’envole … Je suis une sorcière ! Putain j’aurais donné n’importe quoi pour que Hagrid vienne m’enlever tiens. Cette barbe, cette taille, ce mâle alpha dominant ! Tout pour lui cet homme. Bon il faut bien insérer un brin d’humour dans cet article. En vérité, ces événements m’ont longuement perturbé me rendant aquaphobe en quelque sorte. C’est seulement depuis quelques années que progressivement j’ai réussi à prendre une douche sans avoir de malaise, par contre la piscine, c’est sans moi.
La vérité, c’est qu’elle détestait encore plus ma sœur que moi, la poussant à une haine sans limite, ridicule, simplement ridicule de frapper ses gosses avec tout et n’importe quoi en passant de la ceinture jusqu’aux orties dans l’unique objectif de faire mal. Ouais, il y a pas de limite dans la folie et l’humiliation, il lui arrivait aussi de foutre en l’air mes jouets notament en coupant les fils électriques de ceux-ci. Le plus grave dans cette histoire, c’est de savoir que ma grande sœur subissait bien plus sadiquement la violence de ma mère avant ma naissance.
Pour ma part, les dernières violences subies remontent aux alentours de mes onze ans donc après le divorce de mes parents, et je me souviens de la scénette comme si cela avait eu lieu hier. Un souvenir précieux car c’est l’unique fois où j’ai répondu aux coups par des coups. C’est ainsi que durant une fin d’après-midi se déroulant au nouveau domicile de ma mère (elle s’était rapidement mis en couple avec un vieux veuf qui avait l’âge de mon grand-père), je m’étais mis à râler et pester en apercevant que ma chère mère n’avait rien trouvé de mieux que de vider ma tirelire en forme de dinosaure pour s’acheter des bouteilles de mousseux, ainsi sous le coup de l’énervement tel le chevalier Lancelot du Lac affrontant l’Hydre de Lerne à dos de Griffon en haut de la plus grande pyramide d’Égypte appartenant à Khéops Ier descendant légitime de Louis XVI, j’ai provoqué ma mère au duel. Le hic, c’est que j’avais complètement oublié que j’affrontais un adversaire qui maitrisait les bases du Free Fight dont je te rappelle que la règle numéro une est de vite coucher son adversaire afin de l’immobiliser au sol, un indispensable ! Finalement, j’ai eu beau faire le warrior, ma rébellion n’a pas duré fort longtemps, car après mettre fait violemment pousser contre un meuble je me suis vite retrouvé ventre contre terre avec ma mère carrément assise sur moi afin de m’immobiliser et me calmer, tout ça en plein milieu de la cuisine. Alors de une, c’est certainement le fait d’avoir ma gueule sur le sol crade de sa baraque archi-déguelasse car jamais nettoyé que j’ai décidé de devenir plus tard un maniaque du ménage en rasant mon crâne et en me perçant les oreilles dans le but de ressembler à mon idole : Monsieur Propre, de deux, à la suite de la bagarre je suis reparti en courant et en pleurant chez mon père et de trois, ma mère n’a jamais plus levé la main sur moi, elle a dû comprendre que je ne la craignait plus.
Malheureusement, ma mère ne pourra jamais me donner d’explications à toute cette haine étant donné qu’elle est décédée quelques années après notre dernière confrontation. Ma mère est une femme qui buvait et fumait beaucoup et c’est cela qui lui provoqua un cancer fatal. Une mort pittoresque se déroulant dans la petite chambre de mes grand-parents lors d’une nuit de souffrance à laquelle j’étais bizarrement présent. Avec le recul, c’est tout à fait dingue ce qu’il m’ait arrivé. N’importe qui aurait pu jurer que j’avais vendu mon âme au diable pour que j’assiste à l’agonie de cette succube des enfers qui m’aura tant fait souffrir et pleurer. Une mère qui continue encore aujourd’hui à perturber ma vie d’adulte.
Après des années de réflexions, j’en ai conclu que ma mère avait certainement été touché par la folie. Une folie qui était surement provoquée par un fort état dépressif et si ce dernier existe, je crois bien en avoir malheureusement hérité… En tout cas l’énorme différence entre elle et moi, est ma parfaite différenciation du bien et du mal au point de souvent être victime de remords.
Pour finir cet article, le plus magnifique dans mon histoire est que bien avant ma naissance, mon père avait surpris ma mère en pleine séance de folie avec ma sœur, alors immédiatement il s’était mis en tête de divorcer, mais manque de chance pour lui, dans une ultime pirouette, ma mère lui annonça que sa demande était impossible car elle était enceinte …. de moi. Ma naissance a été l’arme ultime de ma mère pour repousser un divorce. Si ce n’est pas beau tout ça.
A. L.
Je suis tombée par hasard sur ton blog via une recherche sur Yoyo the Ricecorpse, je lis un article, puis deux, puis les trois pages pour finir. Ce n’est pas un hasard si je commente cet article, je ne suis personne, ce que je vais te dire n’as surement pas d’importance, mais c’est rare de tomber sur des mots qui me touche autant personnellement. Je suis aussi enfant de mère toxique, de mère mal-aimante, dés-aimante, mère creusant un vide d’attentes impossibles à combler, mère qui désarme l’égo et, comme tu le sous-entend, laisse un adulte au socle affectif tout sableux. Je te souhaite beaucoup de force et de courage pour finir ton évolution au niveau supérieur, battre ce boss de fin avec une bonne grosse dose de pardon et une petite fiole de deuil agrémenté d’un soupçon de paix. Tu as l’air d’être une personne entière, vrai et pleine de ressources, on dit qu’on accepte l’amour qu’on pense mériter alors je te souhaite les rencontres les plus bienveillantes et les relations les plus généreuses.
« Porter sur le monde un regard sans haine ».